Cameroun : plus de 15 tonnes d’or sorties illégalement du pays en 2023, selon un rapport de l’ITIE

Un rapport dévoilé le 10 décembre 2025 à Yaoundé par l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) révèle l’ampleur inquiétante de la contrebande d’or au Cameroun. Plus de 15 tonnes du précieux métal auraient quitté le pays de manière illégale en 2023, représentant pour l’État une perte fiscale estimée à 165 milliards de FCFA, soit près de 300 millions de dollars.

Un trafic massif orienté vers les Émirats arabes unis

Selon le rapport, 15,2 tonnes d’or ont été exportées clandestinement en 2023, dont plus de 90 % vers les Émirats arabes unis. Les chiffres des Douanes camerounaises contrastent fortement avec ces données internationales : seulement 22,3 kg d’or ont été enregistrés comme exportations officielles la même année.

Ce décalage ne date pas d’hier. En 2022, les statistiques étrangères faisaient état de 4,8 tonnes d’or importées depuis le Cameroun, alors que les déclarations officielles camerounaises ne mentionnaient que 47,9 kg. La valeur de cet or exporté illégalement était alors estimée à 279 millions de dollars, contre seulement 1,8 milliard de FCFA de recettes issues des exportations légales.

Des efforts de régulation encore insuffisants

Pour tenter de reprendre le contrôle d’un secteur largement dominé par les circuits informels, le gouvernement a créé en 2020 la Société nationale des mines (SONAMINES). Depuis février 2025, celle-ci déploie une stratégie visant à assainir la chaîne de commercialisation : meilleure traçabilité, encadrement des flux, réduction de l’influence des réseaux illicites.

La SONAMINES prévoit par ailleurs le lancement d’une plateforme numérique sécurisée destinée à faciliter et à surveiller les transactions aurifères. Si les résultats sont encore timides, la société publique a tout de même reversé au Trésor 224 lingots d’or (plus de 420 kg) en septembre 2024, issus de la collecte de l’Impôt Synthétique Minier Libératoire (ISML) et des droits de sortie douaniers. Depuis sa création, elle a rétrocédé un total de 638 kg d’or, soit une valeur estimée à 27 milliards de FCFA.

L’ITIE appelle à des mesures plus rigoureuses

Malgré ces avancées, l’ITIE juge les efforts gouvernementaux encore insuffisants pour endiguer la fraude à grande échelle. L’organisation recommande :

•             un renforcement des contrôles aux frontières,

•             une meilleure coordination entre les administrations concernées,

•             et la réalisation d’une étude approfondie sur l’or artisanal, afin de cartographier les circuits, identifier les responsabilités et proposer des réformes adaptées.

Haoua SANGARÉ

LETJIKAN