Côte d’Ivoire : une présidentielle sous tension sur fond de candidatures controversées
- Amadou Diallo
- 17 oct.
- 3 min de lecture

Le 25 octobre 2025, plus de 8,7 millions d’électeurs ivoiriens sont appelés aux urnes pour élire leur prochain président. Ce scrutin, marqué par la candidature contestée d’Alassane Ouattara pour un quatrième mandat et l’exclusion de plusieurs figures majeures de l’opposition, cristallise les tensions politiques et sociales dans un pays considéré
comme la locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest.
Une campagne électorale à haut risque
Ouverte le 10 octobre, la campagne électorale se déroule dans un climat de fortes crispations politiques. À 83 ans, le président sortant Alassane Dramane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, représente le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) et vise un nouveau mandat, malgré les controverses sur la limitation constitutionnelle du nombre de mandats présidentiels.
Sur les soixante dossiers déposés auprès de la Commission électorale indépendante (CEI), le Conseil constitutionnel n’a validé que cinq candidatures : celles d’Alassane Ouattara, de Jean-Louis Billon, de Simone Ehivet Gbagbo, d’Henriette Lagou et d’Ahoa Don Mello. L’exclusion de poids lourds tels que Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam et Pascal Affi N’Guessan a provoqué de vives protestations au sein de l’opposition, qui y voit une manœuvre visant à verrouiller le jeu politique.
Des manifestations réprimées et un climat politique fragilisé
Les appels à manifester lancés par le PPA-CI et le PDCI-RDA ont été sévèrement réprimés. Une marche prévue le 11 octobre, interdite par les autorités, a dégénéré en affrontements entre partisans de l’opposition et forces de l’ordre. Le ministère de l’Intérieur fait état de 710 interpellations, tandis que le PPA-CI dénonce deux morts parmi ses militants.
Ces incidents ravivent les souvenirs douloureux des crises postélectorales de 2010-2011 et de 2020, qui avaient fait respectivement 3 000 et 85 morts. Le déploiement massif de forces de sécurité illustre la volonté du gouvernement d’éviter une nouvelle flambée de violence, mais aussi la fragilité du climat politique à l’approche du scrutin.
Une économie dynamique, mais inégalitaire
Malgré les tensions politiques, la Côte d’Ivoire affiche une croissance soutenue, estimée entre 6 et 7 % par an depuis 2012, selon le FMI et la Banque mondiale. Cependant, cette performance cache de profondes inégalités sociales et régionales.
La flambée des prix mondiaux du cacao en 2024-2025, dont le pays demeure le premier producteur mondial, a dopé les recettes publiques tout en fragilisant les planteurs confrontés à la baisse des récoltes et à la maladie des cacaoyers. Cette situation accentue les tensions dans un contexte de hausse du coût de la vie et de chômage élevé, notamment chez les jeunes — plus de 70 % de la population a moins de 35 ans.
La diversification de l’économie apparaît désormais comme un impératif stratégique, afin de réduire la dépendance au cacao et d’atténuer la vulnérabilité face aux fluctuations des marchés mondiaux.
Une stabilité menacée par le contexte sécuritaire régional
Sur le plan sécuritaire, la Côte d’Ivoire fait face à une menace jihadiste croissante, notamment dans le nord du pays, à la frontière avec le Burkina Faso. Les attaques sporadiques dans cette zone rappellent la fragilité d’un espace sahélien bouleversé par une succession de coups d’État militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
Dans ce contexte, la stabilité ivoirienne revêt une dimension régionale stratégique : une élection contestée pourrait accentuer les tensions dans une sous-région déjà instable.
Réconciliation nationale : un défi toujours en suspens
Plus de trois décennies après le retour du multipartisme, la Côte d’Ivoire n’a jamais connu d’alternance politique pacifique. Les plaies des conflits passés, la fracture ethnique et régionale, ainsi que la méfiance entre camps politiques demeurent des obstacles à une réconciliation durable.
Malgré la présence de deux femmes parmi les cinq candidats, la participation des femmes et des jeunes dans la vie politique reste marginale. Leur mobilisation pourrait pourtant s’avérer déterminante dans l’issue du scrutin.
Un test pour la démocratie ivoirienne
Le scrutin du 25 octobre mobilisera 25 678 bureaux de vote, dont 308 à l’étranger. Les observateurs nationaux et internationaux suivront de près la transparence du processus, l’accès équitable aux médias publics et la gestion des contentieux électoraux.
Au-delà du résultat, cette élection constituera un test décisif pour la démocratie ivoirienne. Sa capacité à se dérouler dans le calme déterminera non seulement l’avenir politique immédiat du pays, mais aussi son rôle de leader régional en Afrique de l’Ouest.
Source: Afrik.Com
Haoua Sangaré
LETJIKAN








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