États-Unis – Ghana : levée des restrictions de visa et rôle discret dans la sous-traitance migratoire américaine
- Amadou Diallo
- 29 sept.
- 2 min de lecture

Accra/Washington – septembre 2025.
La décision américaine de rétablir l’octroi de visas de cinq ans à entrées multiples pour les citoyens ghanéens suscite de vives interrogations. Officiellement présentée comme un signe d’apaisement diplomatique, elle intervient alors que le Ghana s’impose discrètement comme un hub de déportation dans la politique migratoire de l’administration Trump.
Un rôle controversé de « pays tiers »
Depuis début septembre, au moins 14 ressortissants ouest-africains – originaires du Nigeria, du Mali, du Togo, du Liberia et de la Gambie – ont été expulsés des États-Unis vers le Ghana, bien qu’ils n’y aient aucun lien. Conduits sous haute surveillance, certains auraient effectué le vol de 16 heures menottés ou sanglés dans des « camisoles de force ».
Ces expulsions s’inscrivent dans une pratique appelée par Washington « déportations vers des pays tiers », permettant de contourner des blocages judiciaires aux États-Unis. Dans plusieurs cas, des juges fédéraux avaient interdit le renvoi direct de migrants vers leur pays d’origine, en raison de risques pour leur sécurité. Mais une fois arrivés à Accra, ces expulsés sont rapidement redirigés vers leur pays natal – au moins six ont déjà été transférés vers le Togo, selon leurs avocats.
Une coïncidence troublante
Le ministre ghanéen des Affaires étrangères, Samuel Okudzeto Ablakwa, assure que le Ghana n’agit « que pour des raisons humanitaires » et n’a perçu aucune compensation financière. Pourtant, la levée quasi simultanée des restrictions de visa américaines alimente les soupçons d’un accord implicite.
En juin dernier, Washington avait sanctionné Accra en limitant ses visas à une entrée unique de trois mois, reprochant au Ghana un taux excessif de dépassements de visas étudiants (21% contre un seuil toléré de 15%). La mesure avait fortement pénalisé étudiants et entrepreneurs ghanéens.
Une stratégie plus large de sous-traitance migratoire
Le Ghana rejoint désormais une liste restreinte de pays africains – dont le Rwanda, l’Eswatini et le Soudan du Sud – qui acceptent de jouer un rôle de relais dans la gestion des expulsions américaines. Pour les défenseurs des droits humains, cette stratégie expose les migrants à de graves dangers.
Un cas emblématique est celui d’un homme bisexuel expulsé via Accra puis renvoyé en Gambie, où l’homosexualité est criminalisée. Ses avocats dénoncent une « mise en danger délibérée » et des expulsions menées dans des conditions abusives, marquées par la détention prolongée et l’absence d’information sur la destination finale.
Un précédent aux implications régionales
Cette levée des restrictions de visa, perçue comme une récompense diplomatique implicite, pourrait inciter d’autres pays africains à accepter des arrangements similaires avec Washington. Mais elle soulève une question de fond : jusqu’où les États-Unis peuvent-ils externaliser leur politique migratoire sans violer le droit international et les protections accordées aux demandeurs d’asile ?
Entre nécessité diplomatique et calcul géopolitique, le Ghana illustre les nouveaux équilibres fragiles entre Washington et ses partenaires africains – au détriment, parfois, des droits fondamentaux des migrants.
Source: Afrik.Com
Haoua Sangaré
LETJIKAN








.jpg)












Commentaires