Affaire Bolloré : vers un procès public sur les concessions portuaires en Afrique
- Amadou Diallo
- il y a 5 jours
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Douze ans après l’ouverture de l’enquête, l’« affaire des ports africains » de Vincent Bolloré entre dans une phase décisive. Le 6 novembre 2025, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a confirmé l’essentiel de la procédure engagée contre l’industriel breton, ouvrant la voie à un procès public pour corruption d’agent public étranger et abus de confiance dans l’attribution de concessions portuaires au Togo et en Guinée.
Cette décision relance une affaire emblématique des relations économiques entre la France et l’Afrique, et soulève des interrogations profondes sur la transparence, la gouvernance et l’éthique des grandes entreprises françaises à l’étranger.
Une décennie d’investigations sur les pratiques du groupe Bolloré
L’enquête, lancée en 2013, s’est penchée sur les conditions d’obtention de deux concessions portuaires majeures, entre 2009 et 2011. Les magistrats soupçonnent un échange de services politiques contre avantages économiques : les filiales du groupe, notamment Havas, auraient proposé des prestations de conseil en communication à des dirigeants africains en contrepartie de l’attribution de marchés portuaires.
Au Togo, la concession du port de Lomé aurait été octroyée dans le contexte de la réélection de Faure Gnassingbé en 2010. En Guinée, le groupe aurait obtenu la gestion du port de Conakry peu après l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé.
En 2021, le groupe Bolloré avait accepté une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) et versé 12 millions d’euros d’amende, sans reconnaissance de culpabilité. Vincent Bolloré, lui, avait tenté de plaider coupable, mais le tribunal avait refusé, estimant les faits « trop graves » pour écarter un procès contradictoire.
Un tournant pour la justice financière française
L’arrêt rendu par la Cour d’appel confirme le réquisitoire du Parquet national financier (PNF) tout en écartant certaines pièces jugées contraires à la présomption d’innocence. Pour les associations Sherpa et Anticor, parties civiles, cette décision constitue une victoire dans la lutte contre la corruption internationale.
De son côté, la défense, conduite par Me Olivier Baratelli, dénonce une « atteinte fondamentale » aux droits de son client et a annoncé un pourvoi en cassation, dernière étape avant un éventuel procès.
Ce bras de fer judiciaire illustre la volonté croissante de la justice française de poursuivre les grandes entreprises nationales pour leurs pratiques à l’étranger, un champ où les condamnations restent rares.
Une affaire aux enjeux économiques et moraux majeurs
Au-delà des aspects juridiques, l’affaire interroge les modes d’influence économique de la France en Afrique et ravive le débat sur les héritages de la « Françafrique ». Elle remet également en question la redistribution des profits tirés des infrastructures stratégiques du continent.
En mars 2025, un collectif d’ONG africaines et européennes a d’ailleurs déposé une plainte inédite visant à obtenir la restitution aux populations locales des bénéfices considérés comme « indûment perçus ». Une démarche qualifiée par certains d’« affaire des biens mal acquis inversée », qui pourrait faire jurisprudence.
Un empire logistique en héritage
Si le groupe Bolloré a cédé en 2022 l’ensemble de ses activités logistiques africaines au groupe MSC pour environ 5,7 milliards d’euros, l’ombre de ce dossier continue de peser sur l’image de l’ancien empire portuaire.
L’affaire met en lumière les zones d’opacité entourant l’attribution de concessions sur le continent et les enjeux de transparence qui y sont liés.
L’issue de cette procédure, attendue dans les prochains mois, pourrait non seulement redéfinir les relations entre les grands groupes français et les États africains, mais aussi poser les bases d’un nouveau cadre éthique et judiciaire pour la gestion des ressources et infrastructures stratégiques en Afrique.
Source : Afrik.Com
Haoua SANGARÉ
LETJIKAN








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