Affaire Frère Albert : huit ans d’attente et la colère des victimes guinéennes
- Amadou Diallo
- il y a 6 jours
- 2 min de lecture

Huit ans après sa mise en examen en France pour viols et agressions sexuelles commis en Guinée, le religieux Frère Albert, âgé de 82 ans, n’a toujours pas été jugé.
Une situation qui exaspère les victimes et leurs défenseurs. « C’est extrêmement long pour mes clients », déplore Me Nadia Debbache, avocate de plusieurs plaignants guinéens. Pour eux, cette lenteur judiciaire symbolise une forme d’impunité persistante dans les affaires de pédocriminalité impliquant des religieux.
Un ancien directeur d’école tout-puissant à Conakry
Entre 1992 et 2002, Frère Albert, membre de la Congrégation des Frères du Sacré-Cœur, dirigeait une école réputée de Conakry. Derrière l’image d’un éducateur respecté, plusieurs anciens élèves l’accusent d’avoir profité de son autorité pour abuser de jeunes garçons, notamment ceux appartenant à l’équipe de football qu’il entraînait.
Alertée par des dénonciations, la congrégation l’avait rappelé en France en 2002. En 2017, une enquête de Cash Investigation avait révélé ses aveux : face caméra, le religieux reconnaissait ses abus et admettait avoir tenté d’acheter le silence de certaines victimes.
« En Guinée, j’étais à un moment donné comme un intouchable », confiait-il alors.
Une procédure qui s’enlise malgré les aveux
Mis en examen la même année pour « viols et agressions sexuelles sur mineur », Frère Albert vit depuis dans une maison de retraite au Puy-en-Velay, sous contrôle judiciaire.
Malgré la gravité des faits et ses aveux publics, la procédure stagne : le parquet de Clermont-Ferrand a requis son renvoi devant la cour criminelle départementale en décembre 2024, mais le juge d’instruction n’a toujours pas tranché.
Une attente insupportable pour les victimes. « L’une d’elles est décédée avant de pouvoir témoigner devant un tribunal », déplore Me Debbache. Sa sœur a décidé de poursuivre le combat judiciaire, au nom de la mémoire de la victime.
Colère des associations et silence de l’Église
Face à cette inertie, l’association Mouv’Enfants, engagée contre les violences faites aux mineurs, dénonce une justice à deux vitesses. Elle réclame l’extension de l’enquête à la Côte d’Ivoire, où le religieux aurait également exercé.
La défense, elle, minimise la portée du dossier, estimant que « les faits ne sont pas comparables à d’autres scandales » qui ont éclaboussé l’Église.
Contactée, la Congrégation des Frères du Sacré-Cœur s’est limitée à une brève réaction : « L’affaire est désormais entre les mains de la justice », sans plus de commentaire.
La crainte d’un procès posthume
À mesure que le temps passe, la peur grandit parmi les plaignants : celle d’un procès posthume.
« Nous craignons que l’on attende sa mort pour classer l’affaire », confie un membre de Mouv’Enfants.
Dans un contexte où l’Église tente de restaurer son image ternie par les scandales de pédocriminalité, l’affaire Frère Albert prend une dimension symbolique : celle du long combat des victimes africaines pour que la justice franchisse enfin les frontières et brise le silence des
institutions.
Source : Afrik.Com
Haoua SANGARÉ
LETJIKAN








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