Washington renforce ses liens avec l’Afrique de l’Ouest et centrale sous fond de rivalités géopolitiques.
- Amadou Diallo
- 9 juil.
- 3 min de lecture

Cinq chefs d’État africains, dont le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye, entament ce mercredi une visite de trois jours à Washington à l’invitation de Donald Trump. Une rencontre stratégique pour les États-Unis qui cherchent à consolider leurs partenariats économiques et sécuritaires en Afrique, dans un contexte marqué par la concurrence accrue de la Chine et de la Russie, ainsi que par des tensions autour des politiques migratoires américaines.
Le président américain reçoit à la Maison-Blanche Bassirou Diomaye Faye (Sénégal), Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani (Mauritanie), Joseph Nyumah Boakai
(Libéria), Brice Clotaire Oligui Nguema (Gabon) et Umaro Sissoco Embaló (Guinée-Bissau). Ce mini-sommet, présenté par le Département d’État comme une suite « ciblée » au 17ᵉ Sommet États-Unis–Afrique des affaires tenu récemment à Luanda, s’articule autour d’enjeux majeurs : investissements stratégiques, sécurité maritime dans le golfe de Guinée, accès aux minerais critiques et lutte contre le crime organisé.
Entre coopération et tensions migratoires
Cette initiative survient alors que Washington envisage d’imposer des restrictions migratoires à 25 pays africains, dont quatre représentés à ce mini-sommet. D’après des documents relayés par Reuters et le Washington Post, le Sénégal, la Mauritanie, le Gabon et le Libéria figureraient sur une liste transmise en juin à leurs chancelleries, justifiée par des « fraudes administratives » et des « problèmes de fiabilité » des documents d’identité. Une posture qui fragilise le discours américain d’un partenariat « gagnant-gagnant ».
Pour Dr Alioune Aboutalib Lô, chercheur au Centre AKEM d’Istanbul, cette rencontre illustre l’importance croissante des États côtiers africains dans la stratégie américaine. « La présence de ces cinq pays riverains de l’Atlantique traduit l’intérêt de Washington pour le contrôle des routes maritimes et l’accès à des ressources clés, dans une région où la présence russe et chinoise se renforce », analyse-t-il. L’installation de bases russes, les livraisons d’armes via Conakry et les accords militaires récents inquiètent particulièrement les États-Unis et leurs alliés.
Le Sénégal entre affirmation et prudence
Le Sénégal de Bassirou Diomaye Faye se distingue par une diplomatie plus affirmée. L’annulation par le Premier ministre Ousmane Sonko d’un stage sportif aux États-Unis, après un refus de visas, et une priorité donnée à Pékin lors des premières visites officielles traduisent une volonté de souveraineté. « Cette posture de gouvernance transparente et de partenariats équilibrés pourrait compliquer les attentes américaines », note Dr Lô.
Malgré ces signaux, les relations économiques entre Dakar et Washington restent solides. Depuis 1983, un traité bilatéral d’investissement attire des capitaux américains, notamment dans les infrastructures énergétiques. En 2024, les échanges bilatéraux ont atteint 586 millions de dollars, en hausse de 48 % pour les importations sénégalaises.
Vers un partenariat renforcé ?
À l’échelle continentale, les échanges États-Unis–Afrique ont frôlé 72 milliards de dollars en 2024. Le sommet de juin dernier à Luanda avait permis la signature de 2,5 milliards de dollars d’accords. Ce mini-sommet prépare également une rencontre plus large prévue en septembre en marge de l’Assemblée générale de l’ONU.
Pour Dr Lô, l’enjeu pour les cinq dirigeants africains sera de défendre leurs priorités économiques tout en préservant une autonomie diplomatique. « Une meilleure coordination africaine est indispensable pour rééquilibrer les rapports de force face à une administration Trump imprévisible », souligne-t-il.
Washington renforce ses liens avec l’Afrique de l’Ouest et centrale sous fond de rivalités géopolitiques
Haoua Sangaré
LETJIKAN
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